La France est plus grande qu’on le croit

Qu’est-ce que  la France ?

La France, c’est le terroir: des champs de blé, des fromages, des bons vins, une culture millénaire. Mais il y a aussi une autre France, beaucoup plus grande : la France de la mer !

Voici une proposition qui semble bien bizarre mais qui est, en effet vraie ! La surface de l’Hexagone est quelques 552 000 km² mais la France de la mer est de 11 millions de km² avec près de 18 500 km de côtes. En effet, la France possède le deuxième espace maritime après les États-Unis. Comment cela est-elle possible ?

En outre de la France hexagonale, il y a la France outre-mer : La Guadeloupe, la Guyane…mais aussi des cailloux comme les îles de Kerguelen et les îles St Paul et Nouvelle Amsterdam.  Tous ces îles ont bien sûr une mer territoriale de 12 milles nautiques (1 mn = 1852 m) qui est « la propriété » de la France. Mais elles ont aussi une zone économique  exclusive (ZEE) et un plateau continental de 200 nm (parfois 350) au-delà de la côte. Dans ces zones, la France a le droit exclusif des ressources comme la pêche, le pétrole et le gaz.

En effet, la mer contient des ressources énormes encore largement inconnues. Seulement 10% des fonds de la mer sont connus. Il y a plus d’intérêt pour l’espace que pour notre propre terre ! Là, il y a un autre paradoxe : la mer couvre 71 % de la surface du monde – et on parle quand même de la terre !

Mais les ressources de la mer sont aussi menacées. Un des plus grands problèmes est la surpêche et la pêche illégales. La dégradation de l’environnement menace toute sa biosphère. Un autre problème mondial est la pollution, où les sacs en plastique forment de larges « îles » en mer avec des effets néfastes pour les poissons et autres espèces. Finalement, la mer est aussi un lieu privilégiée pour le crime organisé. Comme la France est « propriétaire » d’une large partie de la mer, cela lui donne aussi une grande responsabilité.

La mer poumon de la terre

On entend souvent dire que les grandes forêts sont les poumons de la terre. Mais le vrai poumon, c’est la mer. En effet, la mer joue un rôle primordial pour notre climat. L’océan émet 50 % de l’oxygène que nous respirons. Il absorbe aussi 80 % des gaz de serre dans l’air, ce qui freine le réchauffage global mais augmente l’acidification de la mer de façon dangereuse pour des poissons et des récifs de corail.

La mer absorbe aussi la chaleur de l’atmosphère, ce qui est bien, mais l’augmentation de chaleur qui en résulte jusqu’à 700 m de profondeur réduit sa capacité à absorber les gaz de serre. En outre, les poissons fuient ces eaux plus chaudes pour des zones plus froides au détriment des pécheurs locaux des pays en développement.

Le phytoplancton joue un rôle essentiel dans ces processus de photosynthèse où il transforme la lumière en oxygène.  Il est aussi à la base de la chaîne d’alimentation. Malheureusement, ce plancton tend à se mélanger avec des morceaux de déchets en plastic ; ce que réduit l’efficacité de processus.

Le fait que l’océan, à l’extérieur des eaux territoriales et des ZEE appartient à toute l’humanité – donc à personne – explique pourquoi la mer, de façon générale, fut absente de la conférence de climat (COP21)

Importance économique de la mer

La mer est une espace d’une importance économique primordiale dont l’importance est souvent ignorée. En effet, en 2013, avec une valeur de 70 Mrds € et 300 000 emplois directs, le secteur maritime français employait 50 % de personnes de plus que le secteur automobile. Les secteurs les plus importants sont la pêche, l’industrie nautique et la construction et activités navale.

Même si la plus grande partie de la construction navale se trouve actuellement en Chine et en Corée, essentiellement pour des raisons de coût de main d’œuvre, la France garde des secteurs d’excellence sur les secteurs à haute valeur ajoutée comme les paquebots et les navires militaires. Les chantiers navals STX France viennent de délivrer le paquebot Harmony of the Seas pour la Royal Caribbean Cruise Line d’une valeur d’un milliard d’euros. Ce navire doté d’un équipage de plus de 2000 personnes pourra embarquer près de 6000 passagères

Les activités touristiques et de loisir présentent également un très grand intérêt économique. À titre d’exemple, plus de 400 millions de passagers transitent chaque année par les ports européens.

Les routes maritimes, réseau sanguin de l’économie mondiale

La mer est vitale pour l’économie mondiale. Selon les modes de calcul (volume, poids ou valeur), ce sont 80 à 90 % du commerce mondial qui y transite à bord d’environ 59 000 navires marchands de plus de 500 tonnes. Avec la politique actuelle du flux tendu et du juste à temps, les entreprises ne disposent que de faibles stocks dont une grande partie est en réalité en mer, en cours de transport. L’invention du container a révolutionné le transport maritime à tel point que certains l’illustrent par les égalités suivantes : « globalisation = maritimisation = conteneurisation ». L’atout de la conteneurisation est son faible coût permis par sa standardisation de manipulation, surtout quand on peut charger un très grand nombre des conteneurs sur un navire. Ainsi le coût de transport d’un conteneur de Shanghai à Paris est de 840 € seulement quand le transport de ce même conteneur de Paris à Lyon coûte 500 € !

Les volumes transportés ne font qu’augmenter : d’un milliard de tonnes en 1960, on est passé à 8,3 milliards de tonnes en 2010. Le pétrole représente un tiers du volume total et constitue par conséquent la principale marchandise transportée par mer.

La taille des cargos augmente aussi. Aujourd’hui, les plus gros d’entre eux peuvent transporter 18 000 EVP (conteneur standard de 20 pieds), et les plus gros cargo-citernes, 400 000 tpl (tonnes port en lourd). Un porte-conteneur de 16 000 EVP représente environ 11 000 camions poids lourds ou 200 trains de marchandises. Ces chiffres donnent une idée des exigences en termes d’infrastructure portuaires et en moyens de transports (ferroviaires, fluviaux, routiers…) pour acheminer tous ces containers à leurs destinataires finaux à terre.

Une autre façon d’expliquer l’importance des transports maritimes et l’iPhone. Avant de le trouver dans votre boutique, il a été une véritable globetrotter. Conçu dans la Silicon Valley, ses matières premières proviennent d’Asie, d’Afrique, de Russie et d’Amérique latine. Les mémoires viennent de Corée et du Japon, les processeurs des États-Unis, les écrans de Corée, les batteries de Chine, et les semi-conducteurs d’Allemagne, etc. L’ensemble est assemblé en Chine ou au Brésil puis transporté aux différents clients à travers le monde. Chaque étape exige un transport par mer

L’armement français compte une centaine de compagnies mettant en œuvre plus de 1 200 navires dont 554 sous pavillon français. La flotte de pêche représente 7 160 navires produisant 640 000 tonnes/an. Le groupe CMA CGM occupe la troisième place mondiale parmi les compagnies maritimes.

Les ressources de la mer

La plus connue des ressources, celle qui remonte à la nuit des temps, est la pêche. Aujourd’hui, la moitié du poisson consommé dans le monde provient de l’élevage. Le secteur de la pêche emploie 45 millions de personnes et représente 15 % des protéines dont a besoin la population mondiale. Toutefois, les stocks sont menacés par la surpêche et la pollution. Pour pallier les effets de la surpêche, des réglementations et des quotas sont mis en place, notamment au sein de l’UE. Ces tentatives se heurtent à une forte résistance de la part du secteur halieutique dans certains pays. A ces problèmes s’ajoute celui des États faibles, en particulier en Afrique, qui n’ont pas les moyens suffisants pour contrôler la pêche dans leur ZEE et leur mer territoriale.

La production énergétique la plus importante est évidemment celle du gaz et du pétrole. Aujourd’hui, un tiers de la production mondiale de pétrole provient de l’une des quelque 17 000 plates-formes off-shore existantes. Ce sont les installations en haute mer – à plus de 1 000 mètres de profondeur – qui augmentent le plus rapidement. 40 % des nouvelles ressources sont découvertes dans les fonds marins. Le prix très bas du pétrole freine actuellement ce secteur, mais cette situation ne devrait être que transitoire et les explorations et explorations offshore devraient connaître un regain de dynamisme lorsque le prix du baril va à nouveau augmenter.

Un tout autre genre d’énergie provient de la mer elle-même : l’énergie électrique de centrales éoliennes, houlomotrices ou hydroliennes. La France s’est fixé l’objectif de produire 6 000 MW à partir de sources d’énergie renouvelables d’ici à 2020, essentiellement grâce à des éoliennes en mer.

Néanmoins, Les éoliennes étant contestées, le futur appartient peut-être aux centrales hydrauliques au fil de l’eau. Celles–ci se trouvent encore au stade expérimental, mais le potentiel hydrolienne français est évalué entre 2000 et 3000 MW.

Pour les territoires se trouvant près d’équateur, une autre solution est également possible : l’exploitation de l’énergie thermique de la mer qui utilise la différence de température entre la surface (plus de 20o C !) et les eaux profonde aux environs de 4oC. Une première centrale est en construction en Martinique.

Les fonds marins regorgent aussi de minéraux. Sur les dorsales se trouvent des sulfures hydrothermaux et de l’hydrogène naturel, tandis que les plaines abyssales comportent des champs de nodules polymétalliques.

En outre, la mer contient de nombreuses espèces intéressantes pour l’industrie. 100 000 substances chimiques ont déjà été identifiées parmi un nombre estimé à plus de 500 million ! La mer devient ainsi une véritable pharmacie qui permet, par exemple, de produire du sang artificiel à partir d’hémoglobine se trouvant dans des vers tubicoles. Une étude récente a identifié 18 000 produits émanant de la mer dont plus de 4900 ont été brevetés.

 

Les menaces en mer

Le développement du plein potentiel économique de la mer exige qu’il y règne le bon ordre. Et cet ordre est menacé par plusieurs activités. Nous avons déjà évoqué la surpêche et la pêche illégale qui ont des répercussions économique et politiques primordiales, surtout pour les pays pauvres.

Le crime organisé est également très actif en mer. Économiquement, l’activité le plus important est le trafic de drogue. À titre d’exemple, les douaniers ont trouvé en 2013 attaché à la coque d’un navire marchand un conteneur de cocaïne d’une valeur de 7 millions d’euros.

Le trafic de migrants qui a récemment pris une ampleur inédite en Méditerrané en est un autre exemple.

Le crime organisé est liée avec la piraterie. Il s’agit d’un fléau millénaire qu’on croyait aboli, sauf dans des livres et des films d’aventure. Malheureusement, cela n’est pas le cas. En effet, la maritimisation du monde a facilité son retour. Elle est présente sur toutes les mers du globe, mais surtout là où il y a un trafic dense et canalisé, comme dans le détroit de Malacca.

Le terrorisme maritime est la forme la plus dangereuse de ces sinistres activités. Jusqu’à présent, les attaques sont restées relativement sporadiques car le « rendement » est bien meilleur à terre. En effet, la complexité d’une action terroriste en mer exige une compétence accrue. Les organisations terroristes islamistes comprennent pourtant bien les enjeux maritimes comme montre le discours d’Oussama Ben Laden après l’attaque contre le pétrolier français Limburg en 2002 : « En frappant ce navire au Yémen, les moudjahidines ont atteint un cordon ombilical et une artère vitale pour les nations des Croisés ».

La France puissance maritime ?

La France possède des territoires dans chaque océan, ce qui, avec le deuxième espace maritime au monde placé sous sa juridiction, lui donne une place stratégique de premier rang dans le contrôle des mers et l’exploitation de leurs ressources. Mais, encore faut-t-il qu’elle soit en mesure d’assurer la surveillance et le contrôle de ces espaces qui exige une surveillance et donc une présence navale continue pour éviter le pillage de ses ressources et faire assurer l’ordre en mer.  Un espace de souveraineté non gardé n’est plus un espace de souveraineté. Il faut aussi souligner l’importance d’une protection des infrastructures en mer : éoliens, plates-formes pour la production de gaz et de pétrole, etc.

La protection des transports maritimes est une mission pour toutes les flottes du monde ; sans transports sécurisés, la vie économique s’arrête. Une grande nation maritime comme la France a une responsabilité particulière dans ce domaine.

En plus, la liberté de navigation à la mer donne aux flottes de combat une flexibilité opérationnelle que n’ont pas les autres modes d’action militaire. Ce constat confère une importance accrue aux flottes de combats dont celle de la France.

Mais une flotte de combat est aussi un outil diplomatique et militaire de premier rang. Un tiers de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes. A titre d’exemple, le Missile de Croisière Naval  (MDCN), qui équipe les nouvelles frégates et la nouvelle génération de sous-marins français, a une portée de plus de 1 000 km. Plus généralement, grâce au groupe aéronaval centré sur le porte-avions Charles de Gaulle, la France possède un outil stratégique de premier ordre.

Les opérations à partir de la mer la mer permettent de réduire l’empreinte au sol à terre, évitant ainsi les vulnérabilités qui y sont associées, le contact direct avec les populations locales et les difficultés de rapatriement. En comparaison, l’emploi des forces navales est beaucoup plus souple et permet un engagement et un désengagement rapides et sans contrainte. Une force navale peut rester en mer très longtemps en profitant de la liberté de navigation qui lui permet d’aller pratiquement où elle veut, quand elle le veut. De sa zone d’action, la force navale peut exécuter des missions diplomatiques et de dissuasion. À partir de la mer, elle peut projeter de la puissance – missiles, attaques aériennes, artillerie, guerre électronique, etc. – ainsi que des forces amphibies et héliportées.

Voici une spécificité de la Marine nationale ; elle est duale avec des missions permanentes en temps de paix et de crise ainsi que des missions de combat au sein des forces armées. Moins nombreuse que les autres armées au défilé de 14 juillet,  elle veille pourtant en permanence sur les intérêts et sur la sécurité de la France.

Conclusion

La France possède d’indéniables atouts dans ce monde de plus en plus dépendant de la mer pour son économie et sa sécurité. La France possède aussi l’une des meilleures marines du monde, mais celle-ci  est pourtant menacée par un manque de budget.

Est-ce que le futur président qui sortira des urnes en 2017 comprendra que l’Océan est l’enjeu primordial pour l’avenir ou fera-t-il partie des souverains dont les larmes ont souvent le goût salée de la mer qu’ils ont ignorés selon les propos attribué au Cardinal de Richelieu ?