Introduction
L’Armée de l’air suédoise joua un rôle primordial dans la stratégie suédoise pendant la guerre froide. Bien evidemment, sa mission prioritaire était de participer dans la défense suédoise contre une invasion du pays. Cependant, plus pertinente que cette mission réelle était son rôle dans la défense virtuelle[1] : de dissuader une ennemie d’une tentative d’invasion. Or, elle avait aussi un autre rôle au sein de la stratégie économique : une armée de l’air nationale et moderne était une preuve de l’indépendance suédoise ce qu’était très importante pour la politique dite de néutralité.
Il faut l’avouer immédiatement – l’auteur n’est pas un aviateur. Le présent article s’appui donc aux sources sécondaires. Elles se composent des travaux faites dans le contexte d’un projet – Försvaret och det kalla kriget (Les forces armées et la guerre froide) – méné au sein du Collège de Défense à Stockholm avec le concours de l’Académie Royale des Sciences de la Guerre ainsi que de l’Académie Royale des Sciences de Marine.
La politique dite de neutralité
Introduction
Pour comprendre la stratégie aérienne pendant la guerre froide, il faut faire un aperçu sur le projet politique et la stratégie intégrale suédoise. En effet, on peut doter l’existence d’une stratégie aérienne de l’Armée de l’air. Mais elle jouait un rôle tout à fait important au sein de la stratégie suédoise. Il faut donc un peut expliquer cette stratégie, fondé sur la politique de neutralité si souvent mal compris – à l’étranger mais aussi en Suède.
Le contexte stratégique
Pendant la guerre froide la Suède (et la Finlande) se situent comme un tampon entre l’Ouest et l’Est, entre l’OTAN et la Pacte de Varsovie. Pour la Suède, la menace venait de l’est tandis que les forces navales et aériennes de l’OTAN constituaient une appuie stratégique de l’ouest. En conséquence, la politique suédoise dite de neutralité avait besoin d’une assurance tacite des occidentaux dans le cas d’une attaque de l’Union Soviétique. L’étendue de cette assurance est toujours politiquement controversée[2].
On sait cependant qu’il y avait une coopération nordique très discrète. Pendant les années 1960, les deux « pays frères », c’est-à-dire la Suède et la Norvège, ont lancé une coopération militaire qui, dans une certaine mesure, a intégré la Suède dans les structures de défense occidentales sans coopération directe avec l’OTAN. Les liens étaient particulièrement étroits dans les domaines du renseignement et de la surveillance aérienne[3]. Avec le Danemark, il y avait également une coopération dans ces domaines. Cependant, il y a aussi de fortes raisons de penser que les trois pays – le Danemark, la Norvège et la Suède – avaient entrepris des préparatifs pour mettre en place une coopération en cas de guerre[4]. Il y avait, par exemple, une planification commune avec le Danemark sur le minage d’Öresund[5]. Comme nous le voyons, il y avait aussi une coopération technologique dans le domaine aérien avec l’Angleterre et, surtout, les États-Unis.
Côté suédois, nous parlions souvent de l’équilibre nordique. Cet équilibre se constitua du fait que il y avait deux états – la Norvège et le Danemark – membres de l’OTAN mais avec des restrictions ainsi que la Finlande. La Finlande était liée avec l’URSS par le traité « d’amitié et de coopération » mais elle s’efforçait de mener une politique de neutralité. Au milieu se trouva la Suède – le pays le plus grand et plus riche avec la défense nationale la plus forte des pays nordiques.
Le projet politique
En conséquence, le gouvernement suédois fut l’appréciation qu’une Suède neutre en cas de guerre serait positive pour les des côtés. Or il fallait que la politique de neutralité était crédible et aussi que la Suède disposait d’une défense assez forte pour qu’une attaque contre
elle causerait des sacrifices importantes de temps et des pertes. C’est-à-dire, pour l’URSS l’espérance politico-stratégique serait moins une (<1)[6].
Un facteur important dans cette appréciation était la doctrine dite marginale. Cette doctrine signifiait que le Pacte de Varsovie ainsi que l’OTAN étaient tous les deux contraintes de concentrer le gros des forces contre l’autre. Il resterait donc seulement des forces « marginales » pour la Suède. Deuxièmement, la doctrine postulait que la Suède ne serait pas une cible prioritaire et qu’une attaque ferait toujours part d’une grande guerre entre les deux alliances.
Étant donné ces appréciations, le projet politique peut se résumer ainsi :
- Indépendance
- Garder une liberté nationale de faire développer la politique, l’économie, la vie sociale et culturelle etc. selon nos propres valeurs
- Détente internationale et un développement paisible.
La Suède n’était donc pas neutre pendant la guerre froide. Il n’y avait pas de garanties internationales pour une neutralité suédoise comme pour la Suisse. Il n’y avait pas des clauses dans la constitution comme en Autriche. La Suède mena une politique de neutralité afin d’être en mesure de rester neutre en cas de guerre en Europe. La politique de neutralité était une stratégie avec le but d’avoir une liberté d’action de choisir la neutralité le cas échéant. On pourrait aussi dire que la politique de neutralité était une politique de liberté d’action.[7]
La stratégie intégrale
On peut décrire la stratégie intégrale comme une stratégie divisée en trois parties qui ensemble devrait mener à bien le projet politique :
- Non-participation aux alliances
- Des actions en faveur d’une détente internationale en particulier dans le domaine de désarmement
- Une défense relativement forte avec la vocation primaire d’être dissuasive.
Les deux premières stratégies appartiennent à la politique étrangère tandis que la troisième formule la mission globale pour la défense nationale. Les deux premières constituent une manœuvre extérieure qui vise à donner la liberté d’action et une situation favorable pour la manœuvre intérieure – la stratégie de défense nationale (ou totale) dont la défense militaire[8].
La crédibilité de la manœuvre intérieure s’appuie sur l’ancrage populaire : « La défense totale est une affaire de toute la peuple. Elle va s’appuyer sur les contributions personnelles des citoyens, dont le service militaire pour les citoyens mâles aptes au service armés. Elle manifeste notre volonté de garder la liberté de pays. » [9]
La stratégie de défense nationale se compose de trois volets : la stratégie civile[10], la stratégie économique et enfin la stratégie générale militaire.
La stratégie civile
Cette stratégie avait plusieurs rôles importants. Il faisait partie des efforts de faire crédibiliser la défense nationale. Il devrait appuyer la défense – ce que nous appelons actions civilo-militaires aujourd’hui. Elle jouait un rôle important pour le soutien populaire de la défense – « la défense des citoyens ». Finalement, elle avait un grand nombre des missions particulières comme, par exemple, la création des abris dans toutes les villes.
La stratégie économique
Nous nous focalisons ici à l’industrie de défense. Il y avait évidemment aussi des autres volets au sein de la stratégie économique comme la stockage et l’approvisionnement des vivres et de la combustible pour la population.
La Suède s’efforça d’être autosuffisante quand il s’agissait de matériel pour la défense. Il y en avait plusieurs raison.
Les expériences de la deuxième guerre mondiale montrèrent qu’il était difficile de se procurer de bon matériel de défense dans une période de tension et de guerre. Une conséquence en était un accord entre l’état et l’entreprise SAAB[11] sur des livraisons des avions pour l’Armée de l’air qui lui donna en un monopole.
Une autre raison en était les conditions suédoises, en particulier le service militaire. En conséquence, il y avait des exigences particulières quant à l’exploitation, la formation et la logistique.
Une troisième raison en était purement économique. Il s’agissait des emplois, des possibilités d’export, le développement de la technologie (spin off) et, plus généralement, ce qu’on appelle le complexe militaro-industriel.
Selon la théorie, ces raisons appartiennent à la stratégie des moyens. Or, l’industrie de défense jouait un rôle très important pour la stratégie intégrale et pour la crédibilité de la politique de neutralité ; c’est-à-dire la manœuvre extérieure. Grace à l’industrie suédoise nous pourrions éviter de devenir dépendant des grandes puissances (lire les États-Unis). Avec le temps, cette indépendance s’effrita à cause du développement téchnologique[12]. En effet, les avions dévernirent de plus en plus dépendantes d’une coopération avec les États-Unis.
En somme l’industrie de défense jouait un rôle toute à fait stratégique non seulement pour la livraison des armes aux forces armées mais aussi pour le développement téchnologique du pays et la crédibilité de la politique de défense. Dans ce contexte, les avions et l’Armée de l’air étaient essentielles. Nous y reviendrons.
Stratégie générale militaire
Comme nous l’avons vu, la contribution de la défense nationale à la stratégie intégrale impliquait d’être relativement[13] forte avec la vocation primaire d’être dissuasive. Il s’agit donc d’une stratégie virtuelle de dissuasion conventionnelle ; c’est-à-dire sans armes nucléaires. Elle se basait, en principe, sur les mêmes idées que la doctrine française du faible au forte et la formule de Poirier d’espérance politico-stratégique.
Pour la Suède il s’agissait donc d’être si forte que l’URSS (un planning contre une attaque d’OTAN n’était jamais d’actualité) devrait apprécier que l’espérance politico-stratégique serait <1 ; c’est-à-dire l’enjeu ne vaudrait pas le coup. Un moyen important était bien sûr que l’URSS comprendrait que la Suède était prête à payer un prix très élevé. En effet, la situation où l’espérance politico-stratégique serait <1 pour la Suède ne se discutait pas. À l’époque on trouvait dans l’annuaire un texte disant « Chaque attaque contre la liberté et l’indépendance du pays sera affronté avec des armes. Chaque message disant que la résistance serait abandonnée est fausse. » La dernière phrase est intéressant comme il exprime un refus formel des concessions. En se faisant le pays se mettait dans un certain mesure en abri des pressions soviétique.[14]
L’Armée de l’air, comme les autres forces armées, avait donc comme mission principale à être si forte qu’elle poserait une menace importante contre les tentatives soviétiques éventuelles.
Cette stratégie s’exprima dans l’ordre d’opérations du CEMA[15] en 1967 : « Les forces armées ont la vocation d’agir pour que notre paix et notre liberté se conserve. Les forces armées devront donc avoir une telle force, composition et état d’alerte qu’une attaque contre la Suède exigerait de si grandes ressources et prendrait si long temps, que les gains possibles ne seront raisonnablement vus comme valant les enjeux. »
Cette stratégie n’était évidemment pas suffisante. Il y aura donc aussi une stratégie générale militaire réelle et défensive pour le cas où la stratégie virtuelle et dissuasive s’est échouée. En conséquence, la mission primordiale des forces armée était de défendre le pays contre une invasion. Une telle invasion pourrait se produire par travers la frontière avec la Finlande (si l’URSS avait réussi de passer la défense finlandaise) dans le nord et/ou par une invasion amphibie par travers la Baltique. Les forces armées auront en premier lieu de se battre contre l’invasion afin d’empêcher, au plus long temps, que l’ennemie aurait « un pied ferme » sur le territoire (la défense périphérique). En deuxième lieu, les forces armées devront ralentir la pénétration dans le pays (la défense en profondeur).
Nous voyons que la stratégie s’est composée de trois volets successifs :
- Dissuasion
- Défense périphérique
- Défense en profondeur
Comme la défense périphérique exigerait un enjeu massif de nos forces, on pourrait se poser la question si le passage en défense en profondeur serait possible après une défaite. Cependant, le plus important serait que cette stratégie était crédible dans les yeux des soviétiques.
Pour les « forces bleus », c’est-à-dire l’Armée de l’air et la Marine, les deux premières missions étaient strictement d’actualité. Si la défense périphérique avait échouait, il n’y aurait plus des forces ; la défense en profondeur était vu comme une mission de l’armée de terre avec le but de gagner le temps.
Gagner le temps pour quoi faire ? Au début de la guerre froide il était assez clair qu’il faudra gagner le temps pour des renforcements éventuels de l’OTAN. Puis, cette idée deviendra de plus en plus politiquement incorrecte. En effet, en fin des années 80, il y avaient ceux qui croyaient que la Suède, attaqué par l’URSS, devrait rester neutre envers l’OTAN ! En vérité, bien sûr, si on gagne du temps il y aura peut-être un nouveau développement, plus positive ; voir Frédéric II de Prusse pendant la guerre de sept ans ![16]
Un peu d’histoire
Le premier vol militaire se fit par la Marine en 1911 et l’aéronavale s’organise en 1916[17]. L’Armée de terre commença à voler en 1913 et une « companie aérienne » est née la même année.[18]
La « loi de programmation »[19] de 1925 impliqua un désarmament fort. Le gouvernement croyait a un developpement politique stabile et paisible. Cependant, il y avait une conséquence important et largement positive : l’Armée de l’air – Flygvapnet – gagnait son indépendence à partir de 1927. Elle inhéritait 57 avions de l’Armée de terre et de la Marine.
Selon le livre blanc[20] de 1935, l’Armée de l’air devrait, en 1942, se composer de 257 avions repartit en quatre flottilles[21] de bombardement et une flottille de chasse. C’est repartition était un résultat d’une influence de Douhet – direct ou indirect.[22]
La loi de programmation de 1936 se décida sous l’influence des craints d’une nouvelle guerre en Europe. Elle comportait un programme de rearmamament qui devrait être achévée en 1947. Pour l’Armée de l’air, la loi prévenait d’ajouter en 1943 une flottille pour soutien de la Marine et une pour l’Armée de Terre. Le nombre d’avions prévus était cependant le même (257).[23] Les armées suédoises n’étaient donc que peu préparées quand la guerre éclata en 1939. [24] L’Armée de l’air de 1942 était d’un niveau de modernité égal à celui d’Allemagne et d’Angleterre en 1942.[25]
Or, de trouver 257 avions moderns était difficile comme les (futures) bélligerants en avaient besoin. Cependant, les italiens pouvaient nous vendre des avions de type Caproni CA 313 (B 16 en Suède). Ces avions avaient été commandé par la France mais pour des raisons évidentes elles n’avaient pas été délivrés. En Suède, ces avions coutaient la vie des maintes aviateurs à cause d’une mauvaise qualité, difficultés dans l’entretien etc.[26]. On les appelait des « cercueils volants ».
Une autre piste était de faire construire les avions en Suède. En conséquence l’enterprise SAAB est né en 1937.[27]
La loi de programmation de 1948 donna, sous l’influence de la guerre et surtout les expériences de Royal Air Force, la priorité à la défence aérienne. En conséquance, pendant les années cinquante l’avion de défense aérienne se renforça fortement. La relation avions de de défense aérienne/avions d’attaque était 1/4 en 1936 et 7/2 à la fin des années quarante[28].
Le général Nordenskiöld joua un rôle très fort pendant ces douze ans comme CEMAA (1942-1954) et il donna la priorité à l’avion de défense aérienne. Les avions d’attaque avaient une priorité beaucoup plus basse. Il n’y avait pas, selon lui, besoin d’une armée de terre ou une marine[29].
Selon la loi de programmation de 1948, l’Armée de l’air devrait se composer de :[30]
- 10 flottilles de défense aériennes de jour toutes renforcées avec 50%[31]
- 2 flottilles de défense aériennes de nuit
- 3 flottilles d’attaque dont deux renforcées avec 50%
- 1 flottille de reconnaissance de 4 divisions
Selon le Commendant en chef (CEMA), les missions de l’Armée de l’air seraient :[32]
- Défense aérienne des zones où les forces armées mènent des opérations importantes
- Attaque contre un ennemi tentant une invasion ainsi que ses bases
- Défense aériennes des villes importantes
La loi de programmation 1948 donna d’avantage de priorité à la capacité de produire des avions en Suède[33].
La loi de programmation de 1958 fut d’une grande importance. Les missions de « soutien directe » de l’Armée de terre et de la Marine disparaitraient.[34] Désormais, ce soutien se ferait dans une façon indirecte en attaquant des cibles d’importance pour la défense du pays. Puis le développement quantitatif se rompait et un cure d’amaigrissement commençait (il est toujours en cours). 6 divisions de défense aérienne déparaient[35].
Voici les grands lignes de base. Dans le texte suivant nous allons discuter les parties différentes de l’Armée de l’air pendant la guerre froide: l’attaque, la défense aérienne, les bases, le commandement et contrôle et finalement l’industrie.
« La matraque du CEMA »
À partir de 1948 les avions d’attaque appartenue à « l. Escadre », une organisation qui restait intacte jusqu’à la période après la guerre froide. Le 1. Escadre était au sous-ordre directe du CEMA quant aux opérations et on l’appelait donc « la matraque du CEMA » [36].
Pendant les années cinquante la Suède faisait de planing opérationnelle pour deux scénarios, toujours avec l’URSS et le Pacte de Varsovie comme agresseurs. Le premier scénario visait une invasion contre le nord de la Suède via la Finlande et l’autre une invasion côtière contre la Suède centrale ou méridionale. Dans le premier cas, l’Armée de l’air devrait se concentrer dans les parties les plus au nord avec une partie moins important dans les parties centrales est et dans le sud de la Suède. Dans l’autre cas, l’idée de manœuvre était d’attaquer des opérations amphibies, des parachutages dans la Suède centrale et méridionale ainsi que dans l’île Gotland[37]. En 1958, on ajouta encore un scénario – une attaque simultané contre la Suède septentrionale et méridionale.
D’ailleurs, les années cinquante se caractérisa par la discussion autour l’arme nucléaire suédoise éventuelle[38]. Le général Nordenskiöld en proposa officiellement en 1952[39]. Le CEMA affirma le besoin des armes nucléaires tactiques en 1957 et un certain développement commença.
Le programme nucléaire suédois entre 1954 et 1965 était entièrement axé sur l’acquisition d’armes nucléaires tactiques. Seuls quelques rares participants au débat préconisaient une force de dissuasion stratégique[40].
Cependant, le CEMA changea l’avis au milieu des années soixante. La raison en était le coût élevé qui aurait comme conséquence des réductions dans les programmes conventionnels. Tout le programme nucléaire fut abandonné officiellement quand la Suède joint le TNP en 1969. Il y avait aussi des idées sur un programme des armes chimiques mais un tel programme n’était jamais même entamé[41] .
Globalement, pendant les années cinquante et soixante, la menace des armes nucléaires se virent comme préponderante. Puis, à partir des années soixante-dix, cette menace s’estompa en comparaison avec des nouvelles armes de précision et d’effet de zone. Entre parenthèse, on ne sait pas si cette nouvelle priorité se basait sur des renseignements ou s’il était une question économique (la défense couterait moins cher si la menace nucléaire devait moins importante).
La loi de programmation de 1958 donna le rôle prépondérant à l’Armée de l’air pour les attaques navales par rapport à la Marine. En conséquence, l’attaque aérienne devrait se renforcer de 25%, ce que n’était jamais réalisé[42]. Par contre, la Marine perdra ses destroyers qui étaient vu comme vulnérables. Elle perdra aussi une partie important du budget de défense. On disait, que cette priorité était une conséquence des expériences de Pearl Harbor et de Midway[43].
On imaginait qu’une invasion soviétique exigerait un grand nombre de bateaux de transport protégés par des bâtiments de guerre et des avions. Il y avait deux scénarios. Dans le premier cas – « la grande attaque » – l’agresseur essayait de combattre la défense suédoise en vue de l’affaiblir avant l’opération amphibie. Dans ce cas la défense suédoise aurait la possibilité de se mobiliser et se préparer mais elle sera évidemment plus ou moins endommagée. Dans l’autre cas – « l’attaque en surprise » – l’agresseur jouait la surprise. Dans ce cas il serait moins forte, la défense suédoise moins endommagé mais aussi moins bien préparée. Au début de la guerre froide, c’était « la grande attaque » qui avait la priorité puis, de plus en plus, l’équilibre changea en faveur de « l’attaque » en surprise.
Pour la Suède, avec une défense dépendant d’un service militaire, la mobilisation avait un intérêt vital. Il fallait donc que les « forces bleus », moins dépendant de la mobilisation, puissent « tenir la forteresse » jusqu’au moment où la mobilisation de l’armée de terre soit achevée[44].
L’attaque aérienne devrait au premier lieu viser la grande opération amphibie. Les bateaux de transport étaient la cible privilégiée et on devrait éviter les bâtiments de protection. [45] On devrait attaquer tôt, concentré et avec des délais le plus court que possible. On ne devrait pas épargner les unités pour une situation plus tard, que ne viendrait peut-être pas. Le commandant de 1. Escadre écrivait en 1963 que « Il est nécessaire que les unités se préparent aux grandes pertes » [46].
Illustration 1 : Le rayon d’action des avions d’attaque en 1968. Les lignes entières montre le rayon d’action à partir des bases ordinaires, les lignes en points le rayon d’action à partir de bases temporaires[47].
Même si l’Armée de l’air ne devrait plus donner un soutien direct à l’Armée de terre ou à la Marine, il était nécessaire d’avoir une certaine coopération. Quant à l’Armée de terre cela était plus difficile à cause de manque de matériel, d’entrainement et de compréhension pour les possibilités de l’arme aérienne. Par contre, comme l’attaque navale était la mission prioritaire, il y avait une nécessité de coopérer avec la Marine. Cependant, pour des raisons politiques, on avait besoin de mettre en valeur l’importance de l’arme aérienne aux frais de la Marine. Les aviateurs exagéraient leurs propres capacités en mettant en avant la « vulnérabilité » des bâtiments de la Marine. [48]
Ici, on trouve un cas typique de « pensé de miroir ». L’Armée de l’air et ses supporters croyaient que les avions de l’aéronaval soviétique devraient avoir les même missions et doctrine comme ses collègues en Suède. En vérité, l’aéronavale soviétique ne s’entrainait pas à faire des attaques contre des bâtiments de guerre de type suédoise. Il avait plutôt le rôle d’attaquer les porte-avions américains dans l’Atlantique. L’Armée de l’air et la Marine suédoises ne pouvaient s’entrainer que contre l’un et l’autre. En ce faisant, on créait une image fausse des possibilités ainsi que des vulnérabilités[49]. Juste après la guerre froide, le RAND américain faisait des testes qui montraient que la Marine avait en effet une très bonne capacité de se défendre contre des attaques aériennes[50].
Au milieu des années soixante-dix l’AJ 37 Viggen (A=Attaque, J=défense aérienne) entra en service. En même temps, le nombre de divisons fut réduit à cinq. Comme l’AJ 37 pourrait participer dans la défense aérienne mais en même temps était d’un nombre réduit, il était nécessaire de faire renouveler la pensée[51].
Dans le cas d’une invasion « de surprise » côtière où la défense n’avait pas eu le temps de se mobiliser, les AJ 37 devraient réduire la croissance en force par des attaques contre des ports, des communications et de autres ressources de transport. Dans l’autre cas, « la grande attaque », les AJ 37 devraient participer dans la défense aérienne et, plus tard, attaquer les bateaux de transport et des ressources de parachutage. Encore plus tard, on devrait attaquer des ports et des terrains d’aviation prisent par l’ennemi ainsi que des ressources de logistique[52].
Illustration 2. Une attaque massive contre une force amphibie avec l’AJ 37.[53]
Au milieu des années quatre-vingt, la Marine se dotera enfin avec un missile mer-mer de longue porté, le RB 15M. La Marine pourrait désormais se battre avec les bâtiments de l’agresseur plus loin de la côte. La question de coordination devenait très importante. Pendant un exercice en 1986, la Marine pourrait combattre les bâtiments de défense aérienne de l’ennemie et puis indiquer la position des bateaux de transport aux avions d’attaque[54].
Le CEMA décida en 1968 à faire organiser cinq divisons d’attaque légère en utilisant l’avion d’école SK 60 (SAAB 105[55]) pour être en mesure de soutenir directement l’Armée de terre dans le Nord. L’organisation vint en place en 1974-76. Les performances comme avion d’attaque était limitées et elles étaient vulnérables. Les groupes de coordination terre-sol n’existaient qu’après 1977-78[56]. Il n’est pas clair si cette arme s’intégrerait vraiment dans la tactique terrestre. La Suède n’a pas formé des spécialistes en Close Air Support (CAS) qu’en des années deux mille.
Il faut dire quelques mots sur l’armement. Au début, l’arme d’attaque était des roquettes et des bombes. Mais immédiatement après la deuxième guerre mondiale la l’Armée de l’Air, et la Marine, commença à développer des missiles d’attaques (ou des « torpilles de l’air » comme on disait dans la Marine). L’Armée de l’air se dota dans les années soixante avec le missile RB[57]04. Il s’agit d’un missile avec un rayon d’action long qui volait en basse altitude (sans être un vrai sea skimmer) [58]. La Suède était donc le premier pays du monde occidental de se doter d’un missile de ce type. Son successeur, le RB 15 fut opérationnel dans la Marine en 1985 puis dans l’Armée de l’air. Il est encore en service dans une version modernisée.
Finalement, il faut évoquer les avions de reconnaissance. Ils jouaient un rôle absolument vital. En temps de paix, ils dressaient la carte des ports « à l’autre côté » de la Baltique ainsi que (probablement) des cibles potentiels en Finlande du nord. Ils documentaient les avions et les bâtiments de guerre soviétiques. En cas de guerre, ils avaient comme première mission de signaler la présence de la flotte amphibie à la mer. Plus tard, ils devraient indiquer les positions de cette flotte afin de aider l’Armée de l’air et la Marine dans leurs attaquent respectives[59].
L’arme de l’aviation d’attaque jouait en rôle absolument primordiale dans la défense contre une invasion. Elle avait, comme la Marine, une alerte élevé et pourrait donc attaquer l’ennemi quand l’Armée de terre se mobilisait. Elle avait un entrainement poussé et un commandement fort. Les pilotes volaient dans une façon réaliste même en mouvais temps et en nuit. Il y avait donc des pertes assez considérables mais cela était acceptable dans ce temps
La défense aérienne
La loi de programmation de 1936 donna la priorité à la défense du capital, Stockholm. Or, à partir de la loi de 1941, la défense des forces armées fut prioritaire avant des lieus d’habitation[60].
Après la guerre, la défense aérienne se renforça fortement ce qu’était du aux expériences, surtout à l’Angleterre. La Suède acheta des avions de surplus sur le marché international mais elles les construisirent aussi. L’introduction de propulsion par réaction posa des défis importants pour le système de bases aériennes[61].
Un nouvel planning opérationnel se décida en 1951. Les avions de défense aérienne se composaient maintenant de trois escadres. Le 2.Escadre devrait défendre la Suède méridionale et la zone de Göteborg (Göteborg est la deuxième ville suédoise avec le port le plus important). On devrait être en mesure d’attaquer des bases aériennes en Danemark (si elles avaient été prises de l’URSS) et des parachutages. Le 3.Escadre devrait défendre la Suède centrale de l’est avec le capital Stockholm et être en mesure d’attaquer des bases en Finlande et sur les îles Åland. Ces deux escadres devraient aussi protéger le 1.Escadre (d’attaque) et des transports sur mer. Le 5.Escadre finalement devrait défendre la partie la plus au nord de la Suède septentrionale et être en mesure d’attaquer des cibles dans la Finlande nord-ouest.
La commission chargé d’étudier la défense aérienne de 1954 (LFU 54) estima que la défense aérienne devrait se composer de[62] :
- L’avion de chasse qui cependant n’avaient pas la capacité d’attaquer effectivement des bombardier en altitudes maximales.
- Défense contre des avions (D.C.A.) pour des altitudes moins de 3 km
- Des missiles sol-air pour des altitudes plus de 3 km jusqu’à l’altitude maximale des bombardiers (La Suède acheta le Bloodhound anglais pour cette mission) et des missiles d’une porté restreinte (l’armée de terre acheta le missile Hawk pour cette mission).[63]
- Moyens de guerre électronique.
Le général Nordenskiöld donna la priorité au nombre des avions en air – quantité au lieu de qualité[64]. Le résultat était un système d’avions de défense aérienne qui à son apogé se composait de 33 divisions[65].
Comme la menace venait de l’est, les avions hostiles s’approcheraient au-dessus de la mer Baltique. En conséquence, un grand problème au début des années cinquante était la difficulté de repérer des avions en basse altitude. Il n’y avait pas un bon système de détection aérien. Le résultat en était un grand risque des attaques de surprise ; certaines bases n’auraient qu’un préavis de 30 secondes pour faire démarrer leurs avions pour qu’ils soient en mesure d’attaquer des ennemies. [66] Un tel système s’implanta à partir de 1955 dans tout le pays. [67] Les temps de réaction restaient cependant courts[68].
Mais aussi les avions hostiles à des altitudes très élevées étaient problématiques. Il s’agissait de faire monter nos avions jusqu’à une altitude assez élevé pour qu’ils puissent agir. Des batailles en très haute altitude étaient difficiles sur le plan technique ainsi que sur le plan tactique[69].
La menace se constitua au début des années soixante des Il-28, TU-16, Mig 17, Mig 19 et Mig 21[70].
L’avion de défense aérienne était divisé en chasse de jour et chasse de nuit jusqu’à 1959. Les nouveaux avions de type J32 Lansen et J35 Draken se firent équipés avec des radars. Le J 32 avec des missiles air-air constituaient un grand pas en avant en comparaison avec le J29 Tunnan plus âgé. On estimait que contre des TU-16 soviétiques il fallait quatre J29 contre chaque avion hostile quand un J32 pourrait en abattre un ou même deux[71].
La loi de programmation de 1958 comporta une diminution de nombre des avions de défense aérienne avec un tiers. La relation par rapport aux avions d’attaque tomba à 9/4. Par contre, on misa sur la qualité, la capacité de se battre en tout temps ainsi qu’une intégration poussée avec le système de commandement et control (Stril) et des missiles air-air[72]. En même temps, il y avait un grand effort sur tout le système de défense aérienne comme l’acqusition des missiles sol-air (Bloodhound et Hawk) et la construction des abris pour la population civile. La défense de la Suède méridionale se fit prioritée avant la défense des autres parties.[73]
Il y avait pendant toute la guerre froide une grande discussion quant à l’équilibre entre les avions de défense aérienne et les missiles sol-air[74]. C’était évidemment un débat technique mais aussi politique comme l’Armée de terre voulait avoir les missiles dans son organisation. L’Armée de l’air voulait en premier lieu avoir des avions et en deuxième lieu des missiles dans son organisation[75]. Il y avait ceux qui croyaient que toute la Suède pourrait se défendre avec des missiles sol-air. Il en suffisait de dessiner des cercles avec leurs rayons d’action afin de comprendre le nombre dont aurait besoin, pensaient les partisans de cette idée[76]. Cependant, les partisans de l’avion gagnèrent.
J35B marqua un grand pas en avant parce qu’il était équipé avec un système digital de conduite lié avec le système de commandement et control. Le contrôleur radar au sol pourrait ainsi diriger l’avion jusqu’à contact avec le cible[77].
Au début des années 60 on discuta aussi les possibilités d’une défense contre des missiles balistiques. On croyait cependant que des tels missiles seront toujours des porteurs des armes nucléaires. Or la menace nucléaire ne guidait plus le planning de défense[78]. On décida, pour des raisons pareilles, qu’on n’aurait pas besoin de se défendre contre des bombardiers des altitudes de 20 000 m ou plus. Par contre, on devrait être en mesure de détruire des avions de reconnaissance ou de guerre électronique sur des altitudes élevées. C’était la raison d’acheter des missiles Bloodhound. On pourrait en même temps faire baisser les exigences sur des avions de défense aériennes quant à altitude et vitesse maximale[79].
204 avions 1224 missions par jour
L’URSS 900 avions, 1500 missions par jour
400
60 avions 360 missions par jour
”Grande attaque”, lutte préliminaire
L’URSS 400 avions, 650 missions par jour
400
Illustration 3. La menace appréciée en 1968[80]
La réduction d’avions de défense – et de toutes forces armées – aérienne continua. En 1969 il ne resta que 20 divisions. La raison en était l’économie[81].
Une nouvelle commission d’enquête de 1967 fit les appréciations suivantes [82]:
- La défense aérienne doit en premier lieu protéger les autres forces armées. La protection de la population civile et d’approvisionnement est secondaire.
- Il y aura une combinaison des avions de défense aérienne, des missiles sol-air et de D.C.A.
- L’avion de défense aérienne est le système le plus rentable pour la protection de zone et pour toutes les altitudes sauf les plus élevées. Il sera donc le component primordial
- Les missiles sont un complément utile pour des cibles avec une vitesse et une altitude très élevé.
- Le D.C.A. est particulièrement utile dans des zones où le temps de réaction est très court (c’est-à-dire proche de la côte)
- Pour l’alerte quotidien en temps de paix contre des avions étrangers (« alerte d’incidents »), il est nécessaire d’avoir des avions parce qu’il faut faire une identification optique.
- L’importance d’avoir une mission alternative, en premier lieu attaque, augmente
- La défense aérienne doit se développer en premier lieu pour des guerres conventionnelles ou des guerres nucléaires limitées
À ce temps-là, les avions d’URSS pourraient couvrir la Suède: [83]
- Tu-16 et Tu-22 toute la Suède
- Jak 28, Mig 19, Mig 21 et Su-7 les parties sud-est et nord-ouest de la Suède en utilisant d’altitude basse
- Si l’URSS dispose des bases en Finlande, elle couvre les plus grande parties de la Suède centrale et septentrionale.
L’alerte d’incidents était très importante pour la politique de neutralité. Les avions faisaient des milliers de missions contre des cibles réelles[84]. La Baltique était une zone avec une activité aérienne très intense. Des avions de veille électronique américains et, dans un moindre mesure, britanniques volaient des bases en Allemagne et entre les îles Öland et Gotland vers la ligne de milieu de la Baltique. Ici, ils rencontraient souvent des avions de chasse soviétique et, parfois des suédois. [85] Au moins dans les années cinquante, les violations de frontière suédoise les plus fréquent se faisaient cependant par les américains et pas par les soviétiques. [86] L’alerte d’incidents suédoise était cependant premièrement conçue pour la détection et l’empêchement des violations soviétiques. Les vols d’OTAN près de la Suède étaient le plus souvent annoncés en avance et il n’était donc pas nécessaire d’intervenir[87].
Au fin des années soixante-dix, l’Armée de l’air fut équipée avec un nouvel avion, le JA37 Viggen. C’était donc un avion conçu pour la défense aérienne mais apte à faire des attaques au sol ou en mer – l’inverse d’AJ37. En même temps, la défense aérienne serait réduit jusqu’à 9 voir 8 divisions en 1988 à partir de 13 en 1979. Avec les deux versions JA et AJ, l’Armée de l’air avait gagné en flexibilité mais le nombre des avions était bien bas. Le CEMAA constata en 1980 que le besoin minimal était 10 divisions.[88]
En conclusion, la défense aérienne était une défense périphérique, concentrée aux côtes et aux zones avec beaucoup des objets de défense. Seulement une partie limitée avait pour mission à défendre la Suède centrale et septentrionale. Avec la réduction de défense aérienne, la côte d’ouest perdit sa défense aérienne. La défense aérienne était cependant mobile et il était donc possible de le regrouper[89]. Or, les ressources de veille aériennes vers l’ouest étaient très inférieures à celles vers l’est. Cela devint un problème par rapport à la stratégie maritime américaine des années quatre-vingt. Les porte-avions de l’US Navy devrait maintenant lancer leurs missiles de croisière à partie des eaux norvégiens vers l’URSS. Elles traverseront donc la Suède. Est-ce qu’il serait possible de les indiquer et de les combattre ? Pourrait-on les abattre compte tenu de leurs armes nucléaires? Voilà des problèmes de la fin de la guerre froide que ne trouvaient pas de solution. [90]
Le système de bases aériennes
Il ne faut pas que des avions ; il faut des bases aussi. Au début, dans les années trente, les bases se furent conçues selon des exigences techniques. La menace et la tactique n’avait que peu d’influence.[91]
Avec les expériences de la deuxième guerre mondiale, l’importance de la menace et la tactique devint plus important[92]. Au début on construisit des bases fortifiées avec le but d’être en mesure de résister aux armes nucléaires tactiques. Cinq bases furent équipées entre 1943 et 1953 avec des hangars creusés dans des roches. Ils n’étaient cependant pas conçus pour les attaques nucléaires. On cessa donc au milieu des années quatre-vingt d’en construire d’avantage. [93] L’Armée de l’air choisit maintenant dispersion au lieu de fortification comme protection conte les bombes nucléaires. La Suède est un pays avec une surface large mais avec une population faible – il y donc beaucoup de place pour des bases aériennes dispersées.[94]
C’est intéressent de constater que le think-tank américain RAND – lié avec l’US Air Force – fut une visite chez des bases suédoises en 1957. L’évaluation des experts américains montrait que la Suède avait sous-estimé l’effet des armes nucléaires. [95]
En 1964, il y avait trente-deux bases pour la défense aérienne, dix pour les chasseur-bombardiers et sept pour la reconnaissance. On planifiait encore onze bases de défense aérienne. [96] Il y avait donc beaucoup plus de bases que des divisions.
À partir de 1970, l’Armée de l’air commença à construire le « système de bases aériennes 90 » (Bas 90). L’arme nucléaire était maintenant vue comme moins relevant pour le planning. Par contre, on mettait plus d’importance aux armes de précision et de zone. Le système se construisit autour des idées suivantes:[97]
- Un grand nombre des bases et des unités de base
- Bonne aptitude de défense terrestre
- Grande dispersion
- Un grand nombre des pistes (> 200)
- Bonne protection de personnel et d’infrastructure
- Un service mobile et flexible
Une base se composait d’une ou plusieurs pistes plus une en réserve (une route nationale élargie) et des places de stationnement cachées et dispersées ainsi que des emplacements pour l’entretien et le mis en service (armement, carburant etc.). Le tout était connecté par des petits chemins dans la forêt. Pour améliorer l’efficacité, il y avait une coopération étroite entre le service national de voirie et l’Armée de l’air.[98] On a souvent entendait dire que l’Armée de l’air utilisait régulièrement des pistes de réserve ; cela n’est pas vraie. Les pistes de réserve, des routes, s’utiliseraient quand il n’y avait plus des pistes régulières. On commença à faire construire des pistes de réserves au début des années soixante[99].
L’auteur se souvient très bien quand il faisait un stage dans l’Armée de l’air comme passagère dans le siège de navigateur d’un A32 Lansen pendant un exercice. La division (8 avions) se déplaçait sur un petit chemin du forêt du lieu de stationnement vers la piste. A un carrefour, un police militaire avait stoppé un petit voiture avec une ancien couple – je n’oublie jamais leur faces étonnés !
Illustration 4. Un AJ37 part de la zone mis en service vers la piste[100]
On a souvent entendu dire qu’il y avait certaines bases élargies pour être en mesure de prendre des avions de l’OTAN. Il y avait certainement de place si elles n’étaient pas endommagées. Pendant des exercices stratégiques cette question était souvent abordée comme une supposition ou comme partie du déroulement de l’exercice. Il n’y a cependant pas des preuves qu’il existait des préparations pratiques, ou des plans, pour un tel événement. [101] Seulement à partir des années quatre-vingt-dix, quand la Suède devint membre de PPP, l’Armée de l’air commença à se faire interopérable avec des systèmes de l’OTAN. Par contre, il y avait certainement une coopération dans le domaine de défense aérienne avec le Danemark et la Norvège. [102].
Commandement et contrôle (Stril)
Le CEMAA général Ljungdahl (1942-1947) soutint l’idée de Stril. Il avait été influencé pendant une visite chez le Royal Air Force en 1941. Mais il y avait des autres qui voulaient mettre la priorité aux avions. Une visite à l’Angleterre en 1955 montra l’importance d’un équilibre entre les avions et les systèmes de contrôle. La conclusion en était qu’il y avait un déséquilibre en Suède à l’avantage des avions. [103]
Pendant les années cinquante, l’Armée de l’air construisit le système Stril 50. [104] Ce système ne fonctionnait pas que pendant des conditions de guerre (probablement parce qu’il exigeait beaucoup de personnell). Il s’était conçu pour traiter d’information des stations de radar et des des stations de vigies optiques[105]. Les avions de défense aérienne s’étaient commandé par radio vers leurs cibles. [106]
Illustration 5. Central du système Stril 50.[107]
Le nouveau système, Stril 60, fut concentré vers la Suède centrale et méridionale. Le système était en partie en fonction déjà en temps de paix. Stril 60 et J35 Draken était un système intégré ce que lui donné davantage d’effet. Comme nous l’avons déjà dit, le pilote d’un Draken était dirigé via un lien digital à partir du central Stril 60. Le système était protégé dans des rochers, il n’était donc pas mobile. [108] On doit noter que Stril 60 n’avait pas d’interopérabilité avec l’OTAN. [109] Il y avait, par contre, des préparations par exemple dans le domaine de communications. Par intermédiaire de la Norvège des informations suédoises pouvaient aller vers l’Angleterre[110].
Les divisions, sauf celles du 1.Escadre, furent commandées opérationnellement par des commandements interarmées des régions à partir de 1966. Il y en avait six. Les flottilles appartenaient de l’organisation organique (entrainement, service, budget ….).
L’industrie
Comme nous l’avons vu l’industrie de défense nationale jouait un rôle très important ne seulement pour livrer des armes aux forces suédoises mais aussi politiquement. L’industrie était un preuve de l’indépendance de la Suède et, en conséquence, un appui pour la politique de néutralite.
Le livre blanc de 1945 constata qu’une industrie d’aviation nationale était le seul moyen d’assurer des livraisons des avions modernes pendant un blocus ou des temps de tensions internationales. Et la modernité est décisive pour la capacité militaire des unités d’avion. [111]
Un exemple de cette importance est le fait que l’import de l’avion Vampire (J28 en Suède) fut stoppé en 1950. La raison officielle en était la guerre en Corée. Cependant, le mécontentement des occidentaux envers la politique de neutralité y jouait certainement un rôle. [112]
Malgré notre politique de neutralité il y avait une coopération étroite dans le domaine de technologie aérienne avec surtout l’Angleterre et particulièrement avec les États-Unis. Un accord avec ces derniers fit signé déjà en 1952. [113] La coopération se développa au fil des années. La coopération fut surtout importante pour la construction d’avion 37 Viggen. [114] Ce qu’empêcha plus tard son exportation vers l’Inde.
Mais pour faire travailler l’industrie nationale, il faut commander. L’Industrie et l’Armée de l’air apprécia qu’il fallait construire un nouvel avion chaque sept ans[115]. On peut ainsi dire que le développement de l’Armée de l’air s’est poussé par l’industrie. Un résultat en était que on a souvent mit précocement en rebout des avions opérationnels[116]. Un autre résultat en était que l’Armée de l’air a mangé la plus grande partie des ressources pour la défense à partir de la loi de programmation den 1958.
L’histoire se répète – le gouvernement vient de décider d’acheter un nouveau avion de chasse basé sur le JAS39 Gripen. Un affaire qui va dominer le budget de la défense les 20 – 30 ans à venir.
Conclusion
L’Armée de l’air joua un rôle très important pendant la guerre froide. Son efficacité était très important pour la crédibilité de la défense dissuasive. Elle appuyait aussi directement la politique de néutralité grace au développement des avions modernes en coopération avec l’industrie nationale.
Après la guerre, la défense aérienne gagna la priorité, une décision basée sur les expériences britanniques. Dans les années cinquante il y avait un développement fort de l’Armée de l’air – surtout quant au nombre des avions de chasse. À partir de la loi de programmation de 1958, le nombre d’avions ne cesse pas de se réduire. Mais en même temps, on mettait plus de priorité à la qualité. Cette priorité était bien sûr aussi importante pour l’industrie et son rôle comme moteur pour la téchnologie de toute la base industrielle suédoise.
L’Armée de l’air avait une réputation très bonne, au moins jusqu’aux années soixante-dix et la vague gauchiste. Comme en France, la plus grande partie des pilotes n’étaient que des sous-officiers. De devenir pilote était donc un rêve de garcon, possible même sans des études de lycée. Or, il y avait beaucoup des pertes du à la doctrine de voler comme en temps de guerre pour l’entrainement en temps de paix. Il y avait bien sûr aussi des problèmes téchniques surtout avec des avions comme B 16 Caproni et J29 Tunnan. Mais à l’époque, ces pertes étaient tolérees.
L’indépendance dans le domain aérien était en partie une mythe. La coopération avec Royal Air Force et plus tard avec les américains devenait de plus en plus importante au fils des ans et des modèles d’avion. Par contre, il ne semble pas qu’on avait fait des préparations pratiques pour une coopération opérationnelle avec l’OTAN en cas de guerre. L’exception en était la coopération nordique surtout dans le domain de communications.
Il ne faut finalement pas oublier que l’Armée de l’air participa dans la guerre de Congo 1961-63. Pour ce faire, l’Armée de l’air organisa une nouvelle flottille – F22 Kongo – avec 8 J29 et 2 S29 (S=reconnaissance). En Kongo, les avions étaient utilisés en premier lieu pour des attaques de sol. Cependant, il ne semble qu’on en avait tiré des expériences. Ce qu’était vraie aussi pour des unités de l’Armée de terre participant à cette guerre pour le compte de l’ONU.
Après Congo, il fallait attendre jusqu’en 2011 avant que la deuxième mission internationale fit menée. Il s’agit bien sûr de la participation dans l’opération Unified Protector avec des avions de reconnaissance JAS39 Gripen.
[1] L’article utilise la taxonomie présentée dans Lucien Poirier, Stratégie Théorique II, Economica, Paris 1987.
[2] Voir par exemple Robert Dalsjö. Life-Line Lost : the rise and fall of ‘neutral’ Sweden’s secret reserve option of wartime help from the west. Santérus Academic Press Sweden. Stockholm 2006.
[3] Magnus Petersson, « Brödrafolkens väl ». Svensk-norska säkerhetspolitiska relationer 1949-1969, Stockholm, Santérus förlag, 2003, p. 293.
[4] Dalsjö, op.cit., pp. 150-172.
[5] Mikael Holmström, « Det dolda blixtlåset – minspärren i Östersund », Tidskrift i Sjöväsendet, n° 5, 2008.
[6] Voir Lucien Poirier, Des stratégies nucléaires, Hachette, 1977, p. 167.
[7] Ce que l’auteur a appris pendant ces années au ministère des affaires étrangers.
[8] Voir André Beaufre, Introduction à la stratégie, Pluriel, 1998 (1963), P.p. 150-155. Les deux livres de Beaufre – Introduction à la stratégie et La stratégie pour demain – étaient les seuls livres étrangers ayant été traduits en suédois pendant la guerre froide.
[9] Hans Christian Cars, Claës Skoglund, Kent Zetterberg, Svensk försvarspolitik under efterkrigstiden. Rapport från Militärhistoriska avdelningen vid Militärhögskolan. Probus. Stockholm 1986. P. 43.
[10] Poirier utilise le terme stratégie culturelle qui nous semble mal adapté de la situation suédoise.
[11] SAAB = Svenska Aeroplan Aktiebolaget, qui peut se traduire par « Société par actions d’aéroplanes suédois »
[12] ÖB 85. ÖB perspektivplan del 2. P.p. 130. (Le planning de long terme du CEMA en 1985).
[13] Le terme officiel était ”fort par rapport à notre situation”, ce que faisait que ”fort” devenait une question politique.
[14] Voir Thomas C. Schelling, The Strategy of Conflict. Harvard 1997. P. 28.
[15] Le terme suédois est ÖB pour Överbefälhavare=Commandant-en-Chef
[16] Avec la mort de la Tsarine Elisabeth, le prussophile Pierre III montra sur le trône ; la Russie changea de côte et la Prusse était sauvée.
[17] FV 50 s. 19,24
[18] FV 50, s. 21
[19] L’expression suédoise est ”Décision de défense ».
[20] L’expression suédoise est « Försvarskommitténs betänkande eller rapport »
[21] En principe l’organisation de l’Armée de l’air se compose de: Escadre = plusieurs Flottilles = autour de 3 Divisions chacun avec 12 avions. L’Escadre est un niveau que n’existe plus.
[22] FV 50 , s 48-49
[23] FV 50 s. 55-57
[24] FV 50 s. 55-57
[25] Wennerholm s 13
[26] FV 50 s. 89.
[27] FV 50 s.65.
[28] Wennerholm 139
[29] FOKK 47
[30] Wennerholm 47
[31] C’est à dire: 3 divisions avec 12+6 avions plus des avions en réserve, en total 60+30
[32] Wennerholm 41
[33]Wennerholm s 139
[34] Wennerholm s 139
[35] Wenenrholm 74-75
[36]Klubba s 7
[37][37] Klubba 26
[38] Wennerholm 139-140
[39] Wennerholm 24
[40] Voir Jan Thörnqvist, « Den öppna och den slutna debatten om taktisk och operativ anpassning av försvaret mot kärnvapen, 1954 till 1965 », Kent Zetterberg (éd), Svenska kärnvapen? En antologi uppsatser kring frågan om svenska taktiska kärnvapen under Kalla kriget, Stockholm, Försvarshögskolan, 2010. P.p. 57, 61-62.
[41] Klubba 69-74
[42] Wennerholm 84
[43] FOKK 16
[44][44] Egna
[45] Klubba 79
[46] Klubba 11
[47] Klubba 111
[48] Klubba s 49-50
[49]Egna samt klubba 50-51
[50] Klubba 153
[51] Klubba 130-131
[52] Klubba 130-31
[53] FOKK 84
[54] Klubba 153
[55] L’Armée de l’air utilise toujours cette avions comme avion d’école. Les aviateurs militaires suédois ne s’entrainde que avec des avions de chasse.
[56] Klubba 159-167
[57] RB=robot=missile
[58] Klubba 258
[59][59] FOKK 76
[60] Wennerholm s 16
[61] Wenneerholm s 37.
[62] Wennerholm 56
[63] En Suède D.C.A. et des missiles sol-air (sauf Bloodhound) appartient à l’Armée de terre ou la Marine.
[64] FOKK 15
[65][65] Öster 57
[66][66][66] Öster 62
[67] Öster 53
[68] Öster 61
[69] Öster 62-63
[70] Öster 85
[71] Öster 80-81
[72] Wenenrholm 84
[73] Wennerholm s 139
[74] FOKK 16
[75] Se FOKK 53
[76] FOKK 16
[77] Öster 98
[78] Öster 99
[79] Öster 99
[80] Öster 101
[81] Öster 102
[82] Öster 224-226
[83] Öster 230
[84] FOKK 74
[85] Öseter 188
[86] Öster 177
[87] Öser 281
[88] Öster 276
[89] Öser 290
[90] Egna erfarenheter
[91] Sv flygbaser 79
[92] Sv flygbaser 83-84
[93] Öster 44-45
[94] Sv flygbaser 83-84
[95] Öster 60
[96] Öster 114
[97] Sv flygbaser 84-85
[98] Sv flygbaser s 99
[99] Öste s 223
[100] Klubba 128
[101][101][101] Öster 162
[102] Öset 305
[103] 137
[104] Wennerholm 87-88
[105] Il y avait, un peu partout dans le pays, des petites tourelles en bois où il y avait des vigies de l’air – le plus souvent des femmes volontaires.
[106][106] Öster 134-135
[107] Öster 148. Les femmes sont des volontaires ”Lottor”
[108] Wennerholm 89
[109] Wennerholm 88
[110] Öset 305
[111] Wennerholm s 44
[112] Wennerholm 50
[113] FOKK 25
[114]FOKK 31-33
[115] Wennerholm s 44
[116] FOKK 51