« Je ne crois pas qu’il y ait une île plus importante ailleurs [que l’île Gotland]. »[1]
Pendant la Guerre Froide, la péninsule Nordique fut vu comme une grande obstacle pour le déploiement de la Flotte Rouge vers l’Atlantique. En cas de guerre, il aurait fallu soit contourner le cap Nord soit – ou plutôt aussi – forcer les détroits de la mer Baltique. Cette situation stratégique eut comme conséquence que l’Europe du Nord fut une zone stratégique très importante. L’océan Arctique constitua aussi « le bastion » où les SNLE soviétiques purent se déployer en sécurité relative.
Aujourd’hui, la situation stratégique est tout autre – ou peut-être pas ?
La Flotte Nord, basée à Sveromorsk, est toujours la plus grande de la Marine russe. Elle a toujours besoin de transiter au nord de la Norvège pour gagner l’Atlantique. Cependant, le fond de la glace lui donne plus de place et davantage de liberté de manœuvre. L’océan Arctique est toujours important comme zone de déploiement des SNLE.
Par contre, aujourd’hui, les détroits de la mer Baltique jouent un rôle toujours important mais différent.
La géographie
La mer Baltique est une mer dite péricontinentale comme la mer Méditerranée ou la mer de Chine méridionale.[2] Elle est divisée en deux par les détroits formés par le groupe d’îles Åland qui est désarmé selon un traité international signé en 1921, entre autres, par la France. Ces îles forment le détroit appelé Kvarken du sud. Au sud se trouve la mer Baltique proprement dite. Au nord de ce détroit se trouve la mer de Botnie qui se termine avec le détroit Kvarken du nord suivi par la baie de Botnie. Toute la zone au nord du Kvarken du sud est partagée entre la Finlande et la Suède.
La mer Baltique est peu profonde, la profondeur moyenne est de 60 m ; elle est plus profonde vers la côte suédoise. L’eau est peu salée à cause des grands fleuves suédois qui se déversent dans la mer. Par contre, l’influx de l’eau salée de la mer du Nord est variable mais relativement faible. La mer est très stratifiée quant à la température et la salinité ; la vitesse du son est donc très variable ce qui rend la chasse aux sous-marins extrêmement difficile.
En hiver, la mer est plus ou moins couvert de glace. Pendant un hiver moins froid, la baie de Botnie, ainsi que des parties de la mer de Botnie et les archipels, sont couvertes ; pendant un hiver rude comme en 1987, toute la mer jusqu’aux détroits en fut couverte. La période de glace apparaît généralement entre les mois de décembre et de mars. La glace exige que les navires aient une « certification glace » pour avoir droit à l’assistance des brise-glaces finnois et suédois.
À ces caractéristiques naturelles s’ajoutent les vestiges des deux guerres mondiales ; on estime qu’il y a toujours autour de 50 000 mines dont beaucoup sont en état de nuire.
Géopolitiquement, la grande île suédoise de Gotland joue un rôle stratégique potentiellement dominant.[3] Nous y reviendrons.
Lignes principales de communication :
- Du nord de la Suède via les deux Kvarken vers les détroits.
- Ouest-Est entre la Suède (surtout de Stockholm) et la Finlande (surtout Helsinki) ainsi que vers l’Estonie et la Lettonie. On y trouve surtout des paquebots et des Ro-Ro.
- Entre les ports de la Russie au fond du golfe de Finlande et Kaliningrad.
- Entre les ports des pays riverains et l’océan.
Les détroits de la mer Baltique englobent quatre passages. Seul le canal de Kiel (Kaiser Wilhelm Kanal), achevé en 1895, mène directement vers la mer du Nord. Pour les trois autres, il faut traverser le Cattégat et le Skagerrak pour y parvenir. La grande partie du trafic passe par le Grand Belt, eaux danoises, ou par l’Øresund (max tirant d’eau 9 m) entre le Danemark et la Suède. Le Petit Belt est relativement insignifiant. On peut aussi mentionner le petit canal Falsterbo (voir carte) qui a été creusé pendant la Second Guerre mondiale afin de protéger le trafic suédois.
[1] Le général de corps armée américaine, Ben Hodges, commandant des forces terrestres alliées ainsi que l’Armée de terre américaine en Europe cité dans Mikael Holmström, ”Stor amerikansk närvaro i svensk militärövning” [”Important présence américaine en exercice militaire suédoise”], Dagens Nyheter 24 juin, 2017, P. 8.
[2] Ces mers sont entourées de la terre mais reliées aux océans par des détroits plus ou moins larges. Pierre Royer, Géopolitique des océans. Qui tient la mer tient le monde, Presses Universitaires de France, 2012. Pp. 13, 17-22.
[3] Voir Lars Wedin, ”Gotland; île stratégique”, Revue Défense Nationale no 800, mai 2017, pp. 139-145.